C'est en septembre ou octobre qu'il vous faut réserver votre soirée pour aller écouter l'étrange brâme du cerf dans le Ventoux ou autour. Suivez les guides !

"Les bois sont faits, rien ne va plus"

Quelque part en forêt, un bruit nous fige. Un craquement sourd vient par le haut.

Quelques blocs dégringolant dans la hétraie-sapinière. L'automne est entré à petits pas sur nos sentiers et la fraîcheur pique un peu ce soir. Mais est-ce bien le froid qui nous glace soudain ou plutôt ce son ténébreux, profond et guttural qui finit par nous asseoir contre un vieux tronc les jambes tremblantes ? Il a traversé plusieurs glaciations, vécu sa propre disparition de nos régions méridionales. Mais la reconstruction de la forêt du Ventoux à la fin du 19ème siècle, et sa réintroduction dans les années 50, l'ont conduit ce soir jusqu'à notre chemin. 

Sortis au crépuscule de leur remise  diurne, les mâles hument la moindre odeur du signal. Ca y est, on est en plein dedans. C'est l'heure du brâme.

Les biches du Ventoux, en petits groupes, observent cette compétition

Les biches en petits groupes, observent cette compétition qui va durer plusieurs nuits, parfois jusqu'à tôt dans la matinée, et choisissent les mâles avec lesquels elles accepteront de s'accoupler. Car ce sont bien elles qui choisissent. Puissants, tout bois dehors, les plus costauds repoussent dans de violents mais rares combats les jeunes prétendants. L'odeur forte de leur passage nous maintient à distance. Laissons leur intimité dans ces rencontres millénaires; sachons rester à notre place, discrets, silencieux et respectueux, et ouvrons nos oreilles pour un spectacle dont les frissons nous renvoient à notre condition animale. Le silence du Ventoux soudain électrocuté par l'explosion du cerf, rien de mieux pour se reconnecter, les pieds dans la forêt, la tête dans les étoiles. Chuuuuuut !

Pierre Peyret